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Photo des associés du GAEC La Vergne

Interview de Philippe Fradin, fondateur du GAEC La Vergne

Créé il y a 35 ans pour offrir un cadre de travail à des associés sans lien familial, le GAEC La Vergne, situé dans le Poitou, navigue entre opportunités et gestion de crises. Philippe Fradin, qui est à l'origine de sa création témoigne.

"Je crois que l'absence de liens familiaux et patrimoniaux facilite notre relation au sein du GAEC"

Jacques Mathé : Si on prend une photo du GAEC, que voit-on aujourd’hui ?

Philippe Fradin : Aujourd’hui on voit 130 vaches laitières et une production qui va atteindre 1,3 million de litres de lait, 2 400 cages mères en lapin et près de 1 000 kWc de production d’électricité. Mais le plus important sur cette photo ce sont les associés et les salariés. Au total, 7 personnes qui travaillent ensemble tous les jours, sans avoir de liens familiaux.


J.M. : C’est l’originalité de votre exploitation ?

P.F. : C’est une particularité, oui. Dans notre milieu agricole, la très grande majorité des exploitants ont un lien fort avec le travail en famille ou dans la reprise d’un patrimoine familial. Ce n’est pas le cas au GAEC La Vergne. Je me suis associé en 1989 avec Thierry pour partager des moyens de production, on se connaissait depuis l’enfance. Ma sœur et son mari, éleveurs de lapins, nous avaient rejoint mais ils ont maintenant pris leur retraite. Ensuite, ce fût le tour de Xavier, en 2005, suivi par François en 2009, qui a dû quitter l'exploitation pour des raisons personnelles. Benjamin l’a remplacé en 2020. Nous avons aussi salarié Justine en 2019 avec la mission de suivre l’élevage de lapins. Enfin, nous avons aujourd'hui Victor et Mathis en contrat d’apprentissage.


J.M. : Et tout ce petit monde s’entend bien ?

P.F. : Oui, car nous sommes tolérants avec le fonctionnement de chacun. Il y a bien des coups de gueule parfois, mais je crois que l'absence de liens familiaux et patrimoniaux facilite notre relation. Le vendredi soir nous partons en week-end, cela fait une coupure. Chacun a sa vie personnelle. Personne n’habite sur la ferme. Nous avons un fonctionnement de travail détaché des soucis de maintien et de transmission d’un patrimoine.


J.M. : Quand vous décrivez l’histoire du GAEC, on retient que vous naviguez continuellement entre des projets et des crises…

P.F. : C’est la vie ordinaire d’une entreprise. Les crises, comme la vache folle en 1996, ou la pandémie sur les élevages de lapins à partir de 1997, nous ont mis en situation d’agriculteurs en difficulté. À cela s’est ajouté l’incendie du bâtiment des vaches laitières en 2001. Tous ces événements ont été l’occasion de rebondir et de lancer de nouveaux projets. Certains choix, comme le photovoltaïsme par exemple, ont été dictés par l’envie de nous diversifier alors que peu d’exploitations s’y intéressaient à l'époque. De même, des associés se sont formés à l’agriculture de conservation des sols et nous avons une vraie expertise sur le sujet. Nous sommes allés chercher les compétences hors région. Tous ces projets sont source de motivation et d’intérêt pour chacun d’entre nous.


J.M. : Le photovoltaïsme, c’est un investissement pour vos retraites ?

P.F. : Pour Thierry et moi, oui, certainement. Mais pour les futurs jeunes associés c’est aussi une source de revenu qui va sécuriser leur installation. Nous devons offrir des conditions de travail qui donnent de l’intérêt au métier et l’envie de rejoindre le GAEC La Vergne. Dans un cadre familial, la consolidation du patrimoine est un facteur de motivation dans la transmission. Nous n’avons pas cette motivation pour faire perdurer l'exploitation alors nous privilégions les bonnes conditions de travail pour attirer de futurs associés. Ainsi, nous avons investi dans deux robots de traite et une chaîne d’alimentation pour réduire la pénibilité dans l’élevage des lapins. Justine, notre salariée, apprécie ces investissements, c’est essentiel pour conserver la main-d’œuvre. Au GAEC La Vergne, nous ressentons cette sérénité qui fait que notre métier d’agriculteur n’est pas vécu comme une contrainte !
 

Les bons conseils de Philippe Fradin pour réussir hors cadre familial

• Se dire que la gestion des crises c’est formateur, on en ressort plus fort.
• S’efforcer d’être serein dans la crise, ce qui est sans doute le plus compliqué.
• Aller voir ailleurs pour vivre d'autres expériences et s'en inspirer (en famille, l’expérience vient
des anciens).
• Être tolérant sur le fonctionnement de chacun.
• Respecter les salariés et les motiver, notamment en termes de salaire et de conditions de travail.
• Prendre du recul sur le fonctionnement de l'exploitation, en s’accordant des moments de pause.
 

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