Sans constituer une révolution, la réforme 2023 marque un pas supplémentaire vers une orientation des soutiens à l’agriculture davantage liée avec les problématiques environnementales. Ce lien, déjà initié avec les réformes précédentes, est sans nul doute amené à se renforcer dans le futur au regard des enjeux climatiques et environnementaux et des engagements pris en ce sens au niveau européen (Pacte vert).
La réforme entérine ainsi :
Nouveauté de cette réforme, dans le respect du cadre règlementaire fixé par l’accord européen du 25 juin 2022, chaque état membre a du établir un plan stratégique national (PSN) détaillant les interventions du 1er et du second pilier pour la durée de la programmation 2023-2027, en démontrant leur cohérence avec les enjeux nationaux et européens et en identifiant des indicateurs de mesures des résultats. Le PSN français a été validé par la Commission européenne le 31 août 2022 (Il est consultable ainsi que des documents de synthèse sur le site du MASA) et s’applique à partir de la campagne 2023. Que faut-il en retenir ?
Etre agriculteur actif est un critère d’éligibilité à la large majorité des aides de la PAC. Pour les exploitants agricoles qui souhaitent déposer une déclaration PAC, il est donc essentiel de s’assurer qu’ils remplissent bien les conditions.
Nouvelle définition de l’agriculteur actif
Contrairement à celle de 2015, la réforme de 2023 ne rebat pas globalement les cartes des Droit à Paiement de Base qui donnent l’accès aux aides découplées. Ils sont reconduits à l’identique. Dans l’Hexagone, leur valeur unitaire sera revalorisée en 2023 en lien avec le renforcement de l’enveloppe budgétaire dédiée au paiement de base et elle connaitra deux nouvelles étapes de convergence en 2023 et 2025.
Par ailleurs, les transferts de DPB sans foncier ne seront plus taxés ce qui aboutit à une simplification notable des procédures de transferts entre exploitations.
Pour l’ensemble des systèmes de cultures et d’élevage, accéder au moins au niveau standard d’écorégime sera indispensable pour maintenir le niveau d’aide. Il est donc important de vérifier que l’exploitation remplit les conditions d’au moins une des trois voies d’accès (cf encadré) et d’envisager les ajustements si besoin.
En l’absence d’une certification environnementale éligible (Bio, HVE, CE2+), il faudra donc regarder :
Par ailleurs, il est important d’être en conformité avec les exigences de bonnes conditions agro-environnementales (BCAE) afin de respecter la conditionnalité et d’éviter les pénalités sur les aides (dont le poids se renforce si l’anomalie est répétée sur plus années). Les BCAE sont au nombre de 9 (voir encadré BCAE) mais celles qui risquent de demander le plus d’adaptations sont la BCAE 7 concernant la rotation des cultures et la BCAE 8 concernant le maintien des éléments du paysage favorables à la biodiversité. Là encore il faudra vérifier que l’assolement et la surface d’IAE + jachère sont conformes et le cas échéant envisager de diversifier ses cultures et/ou accroitre ses surfaces en jachères.
A noter que la « dérogation Ukraine » exonère pour 2023 des exigences de rotation annuelle pour la BCAE 7 et des exigences en terme de part des terres arables sen IAE + jachère pour la BCAE 8 (des terres cultivées ou prairies valorisées pouvant être comptabilisées). Ces éléments ne s’appliqueront donc véritablement qu’à partir de 2024.
La BCAE 7 comporte :
La BCAE 8, en plus des exigences de maintien des particularités topographiques et de l’interdiction de la taille des arbres pendant la période de nidification déjà en place précédemment, comporte l’obligation d’avoir au moins 4% des terres arables dédiées à des IAE et terres en jachères. Ce taux peut être abaissé à 3% si la somme des IAE, jachères et des cultures dérobées et/ou cultures fixatrices d’azote sur lesquelles aucun produit phytosanitaire n’est utilisé atteint au moins 7% des terres arables.
Les éco-régimes consistent en un versement forfaitaire sur tous les hectares de l’exploitation en fonction du niveau d’exigence des pratiques agro-écologiques mises en œuvre : pas d’écorégime, niveau standard (~60 €/ha), niveau supérieur (~80 €/ha) et niveau spécifique agriculture biologique (~110 €/ha).
3 voies d’accès sont possibles, le choix dépendra donc de la situation de chaque exploitation :
Les aides à la vache de la PAC actuelle (ABL et ABA) seront remplacées par une aide à l’UGB de plus de 16 mois. Elle se décline en 2 montants (prime forte de 110 € par UGB et prime faible de 60 € par UGB en 2023, dégressif jusqu’en 2027 du fait de la baisse de l’enveloppe au profit de celle des aides couplées végétales). Elle inclut par ailleurs de nouveaux plafonds : maximum 120 UGB, dont maximum 40 UGB pour les primes faibles et maximum 1,4 UGB x la surface fourragère (en ha) pour les primes fortes (avec un minimum garanti à 40 UGB).
Cette évolution peut amener à envisager un ajustement des effectifs bovins pour optimiser les aides, voire à repenser plus profondément le système, notamment s’il repose sur des vaches allaitantes. En outre, le nouveau mode de calcul rend utile une réflexion sur la période de commercialisation des animaux et la date de déclaration des aides.
La réforme prévoit également :
3STR et Droit à l’erreur
Une autre nouveauté de la nouvelle programmation : la mise en œuvre du Système de suivi des surfaces en temps réél (3STR) pour l’instruction des aides. Il s’agit de l’utilisation des images satellites et d’outils d’intelligence artificielle pour contrôler la conformité des couverts et de l’activité agricole déclarée. Des contrôles ciblés sur place resteront la règle pour les éléments non visibles par le 3STR.
En parallèle de la mise en place de ces nouvelles modalités, un droit à l’erreur est instauré, se traduisant par la possibilité de modifier sa déclaration PAC après la fin de la période de déclaration sans pénalités et directement sur TéléPAC
Dans beaucoup d’exploitations, la réforme de la PAC 2023 devrait moins bouleverser les montants perçus que la réforme précédente. Cependant, à l’échelle individuelle, certaines adaptations seront parfois nécessaires pour maintenir le niveau d’aides publiques. Elles doivent tenir compte des aspirations des exploitants, des conditions pédo-climatiques, des infrastructures de la région, des risques (techniques et commerciaux)… La PAC n’est pas à elle seule un puissant levier de changement mais c’est un aiguillon qui peut favoriser la transformation des systèmes afin de relever les grands défis actuels : améliorer les revenus, trouver du sens dans son métier, répondre aux nouvelles attentes sociétales et anticiper le changement climatique. Les orientations des politiques publiques et réglementations sont à prendre en compte dans la stratégie et le pilotage des exploitations.
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