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Homme vendant légumes sur son stand

Entre la vente directe et l’agriculture de filière, inventer une troisième voie

Le développement des productions alimentaires de proximité interroge. Les Pouvoirs Publics nationaux se sont même emparés du sujet en mettant en place un certain nombre d’outils tel que les PAT (Projets Alimentaire Territoriaux).

Le développement des productions alimentaires de proximité interroge les acteurs de la restauration collective, les élus locaux et les associations de terrain. Les Pouvoirs Publics nationaux se sont même emparés du sujet en mettant en place un certain nombre d’outils tel que les PAT (Projets Alimentaire Territoriaux) dont l’objectif est de faire travailler à l’échelle d’un territoire les acteurs concernés par l’alimentation, la santé, l’environnement et le développement local. Nombre de ces PAT (plus de 150 sur le territoire français) veulent actionner le développement des circuits courts et favoriser l’approvisionnement alimentaire local.

Si toutes les réflexions coordonnées à l’échelle des collectivités territoriales (souvent les communautés de communes) ont du sens, elles peinent souvent à déboucher sur de véritables plans d’action. Au-delà des bonnes volontés et de la transversalité des discussions et des relations entre acteurs publics, privés ou associatifs, force est de constater qu’au niveau des producteurs agricoles, le fruit de ces réflexions débouche sur de faibles avancées. Pire, la réalité du développement (en volume) des productions alimentaires locales incorporées dans l’assiette des consommateurs est bien dérisoire. Il n’est pas facilité par le poids écrasant de la GMS et des restaurations collective et de chaîne qui fournissent 85 % de nos rations alimentaires.

Comment inciter et favoriser la production des fermes vers la restauration collective locale ?

A l’échelle d’un territoire, la restauration collective qu’elle soit concédée ou gérée en direct, concerne les restaurations du secteur de la santé et du social (hôpital, Ehpad, prison…) du secteur du travail (restaurant d’entreprise) et du secteur de l’éducation (école, CROUS…). La consommation alimentaire en France s’élève à 240 Mds d’€. Elle se répartit entre la consommation à domicile pour 155 Mds d’€ et la consommation hors domicile (CHD) pour 85 Mds d’€ soit 36 % des dépenses. En ce qui concerne le Hors Domicile, la restauration collective ne représente que le quart des dépenses. Mais le potentiel pour les producteurs agricoles pour capter une partie de ce marché n’est pas négligeable.

Restauration collective Santé / Social Scolaire Entreprise Autre collectivités
25
10
7,5
5,5
2
Impulse Market BVP Magasin de proximité Ambulants et saisonniers Stations-service
12,5
5
3,5
3
1
Restauration commerciale Service à table Fast Food Cafés Cafétérias
62,5
32
18
11
1,5

Poids des grands circuits de restauration (en % du CA), Source : IRI Gira Food Service

Quels sont les freins pour les producteurs ?

L’approvisionnement de la restauration collective par des agriculteurs repose encore aujourd’hui sur des pratiques très informelles et à la marge. Plusieurs freins sont observés :

  • Les producteurs ont du mal à identifier les interlocuteurs et la mise en relation reste complexe. La majorité de l’acte commercial en vente directe se réalise dans une relation up and down, c’est-à-dire que le client va à la rencontre (voire à la recherche) du producteur, rarement l’inverse.
  • Dans leur grande majorité, les producteurs n’ont pas le besoin d’être proactifs pour trouver des clients. Ils ont plutôt le souci de pouvoir répondre à la totalité de la demande. Les ruptures de l’offre sont plus fréquentes que le trop-plein de produits à vendre (ce qui obligerait dans ce cas à trouver de nouveaux clients et à inverser la relation commerciale). La nature de l’offre est différente entre le marché de la clientèle familiale et le marché de la restauration collective. La demande familiale recherche une gamme large et originale (variétés anciennes par exemple). A l’inverse, la restauration collective veut des volumes et des produits homogènes. L’approvisionnement de la CHD concerne quasi exclusivement des produits matières premières, et peu les produits élaborés. Quid de tous les producteurs qui réalisent des produits transformés (foie gras, pâté, pâtes…) ? D’autant que ces produits affichent des prix au kilo difficilement acceptables pour la restauration collective.
  • Les producteurs organisés pour vendre en direct ne perçoivent pas toujours l’intérêt de collaborer avec la restauration collective. Le respect de contraintes légales comme les appels d’offres, le minimum d’apports, la régularité des apports, ne sont pas adaptés aux circuits courts. Notons que ces producteurs, par défaut d’informations, de temps, de compétence et d’attractivité, ont même une image négative de ce type de débouchés.

 

Des freins existent aussi du côté des acteurs de la restauration collective, notamment devant les efforts complémentaires d’organisation, de complexité des procédures, du temps de mise en relation que nécessite la multiplicité des fournisseurs.

  • L’offre locale est floue, morcelée et incomplète. Qui sont les producteurs locaux ? Qui fait quoi dans chaque territoire ? Quelles sont leurs offres et leurs conditions de livraisons ? En dehors des fruits et légumes de saison, comment s’approvisionner ? Ces informations de sourcing ne sont pas toujours accessibles et pourtant indispensables pour faire un choix éclairé.
  • Les besoins précis de l’établissement sont difficiles à établir. Prendre du recul pour analyser précisément ses besoins, s’outiller de manière adaptée, prend du temps.
  • L’approvisionnement est tiraillé entre des priorités différentes. Les chefs de cantine veulent offrir une satisfaction quotidienne à plusieurs centaines de convives. Les gestionnaires doivent s’assurer que ces repas correspondent au budget et à un certain formalisme. La relation avec les fournisseurs doit être cadrée pour que les achats soient adaptés et efficaces.
  • L’achat direct auprès des producteurs est peu attractif car les producteurs ont une offre limitée en volume et dans le temps. Les besoins de la restauration collective sont importants en volume et la régularité des livraisons est essentielle (secteur de la santé). En revanche, la restauration scolaire est plus complexe à gérer car elle ferme pendant les grandes périodes de production (mois d’été). Cela nécessite pour les producteurs de trouver  d’autres débouchés pour les tomates de juillet-août !

Une difficile adéquation entre le coût des produits fermiers et les ressources financières des établissements collectifs

Les coûts des repas en restauration collective s’inscrivent dans une logique budgétaire contrôlée. Le modèle de restauration s’appuie donc sur une recherche de matières premières très compétitives basée sur les modèles de l’agriculture productive (logique volume/ prix). Si cette logique peut être bouleversée dans certaines périodes (repas de Noël), les gestionnaires ont le souci de proposer des portions avec un coût de l’assiette largement sous les 10 € (de 7 € pour le scolaire à 13 € pour la restauration d’entreprise).

Comment ajuster ces conditions financières en s’approvisionnant localement chez des producteurs qui sont dans une logique d’artisanat. Leur modèle économique s’appuie sur un niveau élevé du poids de la main-d’oeuvre dans le produit final, des volumes réduits, bien loin des modèles industriels où la mécanisation et l’automatisation permettent d’optimiser les volumes et donc d’afficher des prix unitaires sans commune comparaison avec les produits fermiers.

Les circuits courts artisanaux n’ont pas vocation à devenir les fournisseurs de la restauration collective

Les circuits courts alimentaires sont conçus dans une relation B to C (Business to Consumers). Or la relation avec la restauration collective est de l’ordre B to B (Business to Business). C’est donc comme nous l’avons décrit plus haut une autre logique qui s’établit dans la relation, une logique qui questionne le rôle du producteur et sa capacité à créer de la valeur. Rappelons que la création de valeur est dépendante de la qualité de la relation avec le consommateur. Ce dernier accepte de rémunérer le producteur pour le plaisir du contact, les informations sur le produit, la vie de la ferme, les petits tuyaux-recettes… Bref, un ensemble de facteurs qui ne font pas vraiment partie des préoccupations du client de la restauration collective.

Celui-ci reste un acteur passif de la consommation des produits de la ferme. Le producteur est souvent un inconnu, seules quelques informations sont mises à sa connaissance comme le mode de production ou la provenance de la marchandise. Pas de quoi justifier une valeur financière complémentaire. Heureusement certains établissements ont compris l’intérêt d’animer et d’impliquer leurs salariés des cantines mais aussi les consommateurs de la restauration collective. Les producteurs doivent de leur côté être les ambassadeurs de leurs produits par une présence lors des repas à certaines périodes de l’année. À défaut de telles démarches, vouloir approvisionner la restauration collective au travers des circuits courts, dégraderait une partie de la valeur créée par les producteurs.

Pour approvisionner la restauration, une troisième voie s’impose

Afin de satisfaire les deux parties, il faut imaginer un autre modèle de production agricole basée sur des volumes produits localement par des agriculteurs qui vont se diversifier dans un choix limité de production mais organisés pour approvisionner la restauration collective. Cette voie peut concerner des agriculteurs céréaliers qui vont proposer des produits de maraîchages conduits d’une manière optimale (un minimum de mécanisation dédiée, une organisation de travail efficace, une logique commerciale adaptée aux acteurs de la restauration collective…). On peut tout aussi bien imaginer des volailles conduites en bandes, utilisant des bâtiments libres dans les mêmes exploitations céréalières. Les éleveurs peuvent aussi répondre à la demande de la CHD en ne se dispersant pas et en proposant une offre alimentaire adaptée à ce type de marché

Il peut même y avoir une complémentarité entre la filière territoriale et la vente directe : un éleveur bovin allaitant pourrait trouver une bonne manière d’améliorer son équilibre carcasse en réservant les muscles arrière pour ses clients directs et les muscles avant transformés en steaks hachés ou en saucisse de  boeuf pour la restauration collective. En revanche, un maraîcher qui cultive plus de 60 légumes aura beaucoup de difficultés à répondre aux exigences quantitatives d’une cantine.

 

Bref, la solution est d’abord organisationnelle et adaptative dans le sens où il n’y a pas de solution clé en main mais une adéquation entre les objectifs du producteur et ceux des responsables des cantines. Ce n’est pas en démultipliant leurs débouchés que les exploitations en production locale vont optimiser leur force de travail et plus globalement leur efficience.

Les agriculteurs français ont de vraies perspectives pour alimenter la restauration collective, à condition d’en respecter les codes. Les gestionnaires de cantines et tous les acteurs publics ou Collectivités doivent faire évoluer leur demande pour dépasser les simples effets d’annonce qui peuvent flatter ponctuellement certains élus locaux mais qui ne s’inscrivent pas dans le temps.

Ce sont sur des projets de moyen terme que les agriculteurs et les gestionnaires et cuisiniers doivent s’engager, pour améliorer l’image et que les élèves, les pensionnaires des Ehpad, les salariés d’entreprises puissent dire : « Ça goûte comme à la maison ! »

 

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