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Location à soi-même

La location à soi-même d’un bien immobilier (terrain et ou bâtiments), appartenant à l’exploitant individuel, maintenu dans son patrimoine privé mais utilisé dans le cadre de son activité professionnelle, relève de principes spécifiques en fonction de la catégorie de revenus générés par l’exploitant.

C’est pourquoi nous analyserons successivement la situation des agriculteurs, des artisans commerçants et des professionnels libéraux.

Cette décision de gestion peut avoir des conséquences notamment au niveau des cotisations sociales de l’exploitant mais aussi du régime des plus-values applicables sur ces biens.

Le choix d’inscrire un bien immeuble bâti ou non bâti doit se faire en fonction des activités exercées en mesurant l’intérêt ou pas de pratiquer un loyer à soi-même.

Toutefois, la déduction des loyers est subordonnée au respect de plusieurs conditions :

  • L’immeuble ne doit pas avoir été inscrit au registre des immobilisations
  • Le contribuable doit pouvoir justifier qu’il a perçu un loyer pour la mise à disposition de ces locaux
  • Le montant perçu doit faire l’objet d’une déclaration au titre des revenus fonciers
  • Le contribuable doit également pouvoir apporter la preuve du versement effectif de ces loyers, d’un compte professionnel vers un compte personnel
  • Le montant des loyers doit être cohérent avec les prix du marché.

Trois situations distinctes avec des analyses différentes peuvent se retrouver chez les exploitants individuels en fonction de la catégorie fiscale d’imposition de ces derniers.

En matière de Bénéfices industriels et commerciaux (BIC)

L’exploitant individuel dispose, par principe, d’une liberté de choix pour répartir ses biens immobiliers entre son actif commercial et son patrimoine privé.

Ce choix constitue une décision de gestion opposable tant à l’exploitant qu’à l’administration fiscale.

Le Conseil d’État considère que le contribuable qui conserve un immeuble dans son patrimoine privé tout en l’affectant à son activité industrielle, commerciale ou artisanale, est en droit de comprendre dans les charges de celle-ci des sommes correspondant au loyer normal de l’immeuble. (CE 8 juillet 1998, n°164657, Meissonnier).

Il s’ensuit que l’exploitant doit soumettre à l’Impôt sur le revenu, le « revenu fictif » correspondant, dans la catégorie des revenus fonciers

L’administration fiscale s’est ralliée à la position du Conseil d’État dans une instruction fiscale du 23 mars 2007.

En matière de bénéfices non commerciaux (BNC)

Interrogé par un Parlementaire sur l’extension de la jurisprudence Meissonnier du 8 juillet 1998 aux bénéfices non commerciaux, le ministre de l’économie et des finances avait répondu négativement.

Toutefois, par deux arrêts en date du 11 avril 2008 (CE n° 287808, Ministre c/ M. et Mme Roche et n° 300302, Mme Huynh Kinh), le Conseil d’État a finalement reconnu le principe de déductibilité des loyers à soi-même pour les titulaires de BNC qui conservent un immeuble dans leur patrimoine privé tout en l’utilisant pour les besoins de leur activité professionnelle, sous réserve d’un versement effectif de ces loyers et de leur imposition corrélative dans la catégorie des revenus fonciers.

L’administration s’est ralliée à la solution dégagée par le Conseil d’État et ainsi admis la déductibilité d’un loyer à soi-même.

En matière de bénéfices agricoles (BA)

La particularité pour les exploitants relevant des bénéfices agricoles résulte de l’obligation d’inscription des immeubles bâtis, donc la décision de gestion de pratiquer un loyer à soi-même en lieu et place de l’inscription au bilan ne pourra porter que sur les immeubles non bâtis (terres), propriété de l’exploitant et utilisés pour les besoins de l’exploitation.

Un exploitant qui a exercé l’option pour la conservation dans le patrimoine privé de ses terres utilisées pour les besoins de l’activité agricole "est en droit de comprendre dans les charges de son exploitation les sommes correspondant au loyer normal de ses terres, et de les déclarer dans la catégorie des revenus fonciers". Arrêt du Conseil d’État Legendre, 26 septembre 2011, n° 340247.

Conditions de déductibilité

Loyer « normal » : à l’intérieur des fourchettes définies par arrêtés préfectoraux

Déclaration en revenu foncier : le montant du loyer déduit doit être déclaré en revenu foncier

Renoncer à la déduction de la « rente du sol » auprès de la MSA : le cumul de la déduction du « loyer à soi-même » et celle de la « rente du sol » est impossible.En cas de déduction de la rente du sol, la location à soi-même est soumise aux cotisations sociales.

Option pour le maintien des terres dans le patrimoine privé de l’exploitant : les exploitants qui optent pour le maintien des terres dans leur patrimoine privé doivent signifier leur choix à l'administration de manière expresse. L'option comme, le cas échéant, la renonciation doit être effectuée sur papier libre et jointe à la déclaration des résultats de l'exercice auquel elle s'applique. L'option est valable annuellement, renouvelable par tacite reconduction, sauf renonciation expresse par l’exploitant. Elle prend effet au premier jour de l’exercice.

En pratique

Si l’exploitant a opté pour la déduction de la rente du sol conformément à l’article L. 731-14 du code rural, il doit la dénoncer pour pouvoir bénéficier de la déduction du « loyer à soi-même ».

La dénonciation doit être faite avant le 30 juin de l’année en cours, pour prendre effet sur les revenus de l’année suivante donc sur les cotisations N+1.

Avantages de cette pratique Inconvénients de cette pratique
  • Diminution de l’assiette des cotisations sociales
  • En cas de déficit foncier antérieur, ce loyer à soi-même n’entrainera pas de CSG et peut permettre de limiter la perte des déficits antérieurs
  • Les prélèvements sociaux sur les revenus fonciers (15.5%) sont plus importants que la CSG-CRDS sur les revenus professionnels (8%)
  • Cette pratique oblige à maintenir les terres en propriété au patrimoine privé, en ayant pour conséquence que le nouveau régime d’imposition des plus-values privées peut être plus désavantageux que le régime des plus-values professionnelles notamment en cas d’exonération totale ou partielle de ces derniers.

 

Conseils d’application

  • Avant d’effectuer ce choix, il est nécessaire de mener une réflexion globale (cotisations sociales, plus-value privée ou professionnelle, gestion du patrimoine, évolution de l’entreprise…)
  • Attention à la valeur vénale du foncier en cas d’entrée ou sortie de bilan (conséquence sur les plus-values futures)