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Paroles d'agriculteur

La haute technologie au service du développement

À la SCEA de Courtebotte, l’installation de serres high-tech de tomates a permis, en quelques années, un développement remarquable accompagné d'une amélioration de la performance économique et environnementale.

La digitalisation du monde agricole

À la SCEA de Courtebotte, Patrick Molinié et ses associés illustrent ce que peut devenir l’agriculture de demain : du high-tech au service d’un système productif résilient et respectueux de l’environnement et de la qualité gustative des aliments. Depuis 30 ans, l'exploitation a développé une remarquable expertise dans le pilotage des serres, en mobilisant des outils de haute technologie.

Un développement croissant
En 1991, Jean-Robert Gergères lance la première modernisation de l’exploitation Courtebotte, spécialisée en tomates. À cette époque, on parlait d’un modèle marmandais avec des tomates de plein champ et quelques serres froides. Il construit 2 hectares de serres en verre. Un investissement conséquent qui va donner le signal à trente années de croissance de l’entreprise. La commercialisation des tomates était réalisée par le biais du cadran de Marmande. Ce système de vente aux enchères a laissé place à des groupements de producteurs qui ont donné naissance, en 1995, à ce qui deviendra Rougeline, l’un des acteurs principaux du secteur de la tomate et de la fraise en France.
En 1996, Patrick Molinié rejoint son beau-père et son beau-frère dans l'affaire. Les associés ajoutent un hectare de serres en verre et démarrent la culture hors-sol. Suivront plusieurs installations successives de serres, avec une cogénération, pour arriver à un total de 6 hectares chauffées et modernisées en 2023. Aujourd'hui, l’exploitation est conduite par 5 cogérants et emploie plus de 100 personnes en moyenne sur l’année. C’est une vraie PME à laquelle il faut ajouter la SARL Courtebotte, structure de production énergétique. 
La production de tomates représente 90 % du chiffre d’affaires. «Nous avons voulu nous différencier et proposons de la cerise grappe et des tomates de différentes couleurs, mais aussi des variétés anciennes comme la Cœur de bœuf», explique Patrick Molinié.
Et pour diminuer l’ultra dépendance à la tomate, une stratégie de diversification plus poussée, vers d'autres types de cultures est également mise en œuvre, à travers notamment la production de mini-poivrons et de mini-aubergines. 

Des conduites culturales portées par les Outils d'Aide à la Décision (OAD)
«Rien de tout cela n’aurait pu se réaliser sans les investissements que nous avons consentis, dans le suivi de la production d’abord», nous précise Patrick. «Dès les premières serres, nous avons mis en place des ordinateurs climatiques qui permettent de gérer automatiquement les ouvertures et fermetures en fonction des conditions extérieures, mais aussi en fonction de l'atmosphère que nous souhaitons à l’intérieur et qui permet de conduire les cultures de façon optimale». Ces technologies n’empêchent pas les deux chefs de culture de tout contrôler. Bien au contraire, leur rôle est de coordonner l’ensemble de ces OAD pour ajuster au mieux la conduite des cultures dans chaque serre. Il y a obligatoirement une analyse et une validation de tous les choix stratégiques. Mais la gestion des amendements, des apports en eau, des nutriments, est réalisée par des outils de pilotage automatique. Cette automatisation permet de reproduire les tâches que les chefs de culture ont définies.
«La technologie nous permet aussi de mettre en production des variétés originales comme les tomates ultra goût, très gustatives. On va rechercher des arômes et du sucre. Cela donne des tomates croquantes et peu acides. Pour cela, on gère la lumière de la serre afin d’orienter la photosynthèse vers le fruit. On utilise des leds avec un dosage des couleurs bleu ou rouge qui vont permettre d’atteindre ces qualités gustatives. On est dans une serre high-tech dont le pilotage est totalement programmé et géré par des applications digitalisées. Nous avons des capteurs de sève et des caméras infrarouges. Cela permet d’avoir la température de la plante et de connaître exactement ses besoins en eau en fonction de sa transpiration et d’autres indicateurs portant sur les conditions climatiques. On peut aussi peser la plante en production avec des outils de mesure spécifiques». Pour effectuer le tri des tomates cerises récoltées, une machine a été développée sur-mesure, à l'initiative de Patrick. Cet outil permet d'obtenir un tri parfait, en fonction du calibre et de la couleur. 
Tous les processus sont programmés et validés en amont par les chefs de culture. Cette validation déclenche l’automatisation du pilotage des outils pour gagner au bout du compte en productivité.

La technologie, un outil de la productivité
L’autre atout de l’utilisation des nouvelles technologies dans les cultures légumières est l’amélioration importante de la productivité. «Nous avons un suivi très précis, et en temps réel, de l’avancée des récoltes dans les serres, dans chaque rang. Nous recevons sur nos serveurs l’ensemble des informations sur tous les travaux, en particulier sur les volumes. Cela nous aide au suivi qualité, à la productivité de chaque employé et aux comparaisons avec les standards. Les employés utilisent aussi des téléphones pour prendre des photos de l’état des plantes à l’instant T et nous faire remonter les problématiques constatées sur place, comme des maladies ou des ravageurs. Cela nous permet de faire une cartographie de ce qui se passe dans les serres et de faire un suivi qualité. Nous sommes certifiés HVE, Global Gap, Zéro résidu. Pour nous, l’observation de l’environnement est primordiale. Nous pouvons intervenir rapidement grâce aux informations qui remontent en temps réel. Le calendrier de production est calé aux besoins du marché et, avec la précision de nos outils, nous pouvons savoir si notre système est rentable sans attendre la fin de l’exercice comptable».

Cogénération et développement durable
En 2002, les cogérants décident d’investir dans la production d’énergie à partir de cogénération, système plus efficient que la simple chaudière gaz. «On utilise l’eau de refroidissement des moteurs pour chauffer les serres. On récupère aussi le CO2 pour le réinjecter dans les serres, ce qui améliore la photosynthèse. On produit aussi de l’électricité que l’on revend à EDF». Une structure juridique de type SARL a été créée pour identifier ce centre de profit énergétique et séparer cette activité de la production agricole. L’entreprise produit aussi de l’électricité photovoltaïque autoconsommée et a investi dans une installation de récupération et traitement de l'eau de pluie, avec filtre à charbon (phyto-épuration), pour utiliser l'eau de pluie en toute sécurité.

Automatiser pour plus de performance et d’expérimentation
«Nous n’aurions pas eu ce développement sans les technologies mises en place. Évidemment, on peut tout à fait piloter des serres avec moins de technologie, mais le travail humain à fournir est colossal. Je ne vois pas comment nous pourrions conduire 6  hectares de serres sans un minimum d’automatisation. Et je ne parle pas de la performance économique ! Cela nécessiterait de réduire la voilure en termes de calendrier de production avec des serres froides et moins de surface. Donc un autre modèle économique. Le point crucial pour gérer une exploitation comme la nôtre réside dans la qualité des chefs de culture. La pierre angulaire de notre système est la gestion climatique. Si on se rate, l’ensemble de la production est remis en cause. L’œil du chef de culture est essentiel, mais c’est bien sûr un travail d’équipe ! La PBI (protection biologique intégrée), la partie commandes et logistique, le conditionnement, ainsi que la gestion des ressources humaines, sont indispensables pour le bon fonctionnement d’une entreprise de plus de 100 salariés, avec de surcroît une activité saisonnière.» 
Aujourd’hui, une serre est dédiée à des tests sur des variétés de fruits et légumes exotiques. Le temps dégagé grâce à l’automatisation sur les produits « connus » permet de mener en parallèle toutes ces expérimentations. La SCEA Courtebotte a l’ambition d’installer 2 hectares supplémentaires d’ici deux ans, dédiés à la production de nouveaux produits. Le développement d’une activité de transformation des invendus est également à l’ordre du jour, pour tendre vers le zéro déchet.

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